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Mois de l’histoire des Noirs – Comment Ian Steaman, scénariste de télévision, utilise sa perspective diversifiée pour façonner l’esprit et inspirer la population canadienne

En 2021, le Bureau de l’écran des Noirs a créé un fonds de 750 000 $ pour le développement de scénarios, en partenariat avec le Groupe de Fonds Rogers et le Fonds canadien pour l’écran indépendant. Ce fonds vise à fournir aux rédacteur·trices afrodescendant·es et racisé·es un accès direct au financement pour le développement de scénarios et une meilleure accessibilité aux créateur·trices de diverses communautés.

Récemment, nous avons rencontré Ian Steaman, scénariste de télévision et lauréat du fonds du Bureau de l’écran des Noirs. Il nous a raconté la façon dont sa vie a eu une influence sur son processus créatif, et de quelle manière il espère inspirer la prochaine génération de jeunes de la communauté noire grâce à ses écrits.

Avant de devenir scénariste pour la télévision, Ian a passé la plus grande partie de sa carrière à travailler dans l’industrie de la musique, principalement dans le monde du hip-hop. Il a connu de grands succès, qui lui ont permis de remporter des prix Grammy et de se hisser à la première place des palmarès, tout en créant des liens solides dans l’industrie de la musique.

Aujourd’hui, il raconte comment ces expériences ont influencé sa vie et son dernier projet, Shine.

Les événements de la dernière année ont déclenché un dialogue mondial sur les injustices raciales que continue de subir la communauté noire. Quelle incidence ces conversations ont-elles eue sur toi et quelles paroles inspirantes adresserais-tu à la prochaine génération de Canadiennes et Canadiens noirs?

Pour être tout à fait honnête, j’ai des sentiments mitigés quant aux conséquences et à l’impact des événements de 2020 et de la soi-disant prise de conscience raciale qu’ils ont inspirée. D’une part, on ne peut nier le fait que cela a créé un niveau de dialogue et d’engagement en matière de justice sociale au sein de notre société qui n’a pas été vu depuis le mouvement des droits civils des années 1960. Je crois qu’à certains égards, il a peut-être même surpassé ce niveau.

D’autre part, ce qui a été une « conscientisation » raciale pour plusieurs est essentiellement la façon dont de nombreuses personnes noires ont vécu toute leur vie. Mis à part les préjugés systémiques et le racisme au jour le jour, il y a eu un traumatisme continu du fait d’avoir dû assister à d’autres incidents et de les vivre avant ceux de 2020. Je parle de Trayvon Martin en 2012, de Mike Brown en 2014, ainsi qu’ici au Canada avec Dafonte Miller en 2016 et Regis Korchinski-Paque en 2020.

S’il y a quelque chose de positif et d’inspirant dans tout ça, c’est l’espoir que cette génération, qui est aussi l’instigatrice de cet engagement autour de ces enjeux et de la lutte pour le changement, continue de le faire.

Alors, pendant que la prise de conscience avait lieu, je me suis dit : « Même après tout cela, ce n’est que maintenant que vous comprenez? » S’il y a quelque chose de positif et d’inspirant dans tout ça, c’est l’espoir que cette génération, qui est aussi l’instigatrice de cet engagement autour de ces enjeux et de la lutte pour le changement, continue de le faire.

La voix de la collectivité est puissante et, jusqu’à présent, celle-ci a été utilisée pour rendre notre société plus sensible à ces problèmes et plus ouverte à discuter de façons de les régler. Continuer de tirer parti de ce pouvoir est la façon de s’assurer qu’il s’agit d’un changement de paradigme permanent et non d’une simple aberration.

Shine, ta série dramatique, plonge dans la dynamique d’une relation mentor-mentorée. Pourquoi crois-tu que le mentorat est essentiel pour outiller la prochaine génération de jeunes de la communauté noire et en quoi tes expériences vécues ont-elles influencé ton travail de scénariste?

En fait, Shine est ma façon à moi d’expliquer dans ce drame d’une heure ce que cela signifie de donner ma vie à cette musique et à cette culture. Même si le hip-hop a augmenté en popularité, il continue d’avoir une mauvaise réputation. 

Le hip-hop est décrit comme une culture plutôt que comme un simple genre musical. C’est vraiment une façon d’être et de regarder le monde. C’est ce que Shine essaie de montrer.

L’élément central du drame est l’exploration d’une relation mentor-protégée entre deux rappeurs. C‑Kay est une grande vedette qui a laissé la renommée et le succès le transformer au point où il ne prend plus au sérieux l’art d’être un artiste hip-hop. Zee, une jeune fille métisse de la classe moyenne supérieure, est une artiste en herbe qui croit vraiment au pouvoir du hip-hop comme véhicule de changement dans le monde.

D’une certaine manière, ils ont besoin l’un de l’autre pour combler les pièces qui leur manquent ou qu’ils ont perdues en eux-mêmes afin de devenir les meilleurs artistes qui soient. Zee peut apprendre de l’expérience et du succès de C-Kay qu’il a obtenu et perdu. À l’inverse, C-Kay peut apprendre de Zee : sa passion, sa soif et sa motivation.

Cela nous ramène à ce que je disais tout à l’heure au sujet du mouvement Black Lives Matter et de la façon dont la prochaine génération, grâce à son énergie et à son enthousiasme, a acquis le pouvoir d’établir le programme du changement social malgré sa jeunesse et son manque relatif d’expérience.

Se rendre compte que l’élève peut devenir l’enseignant·e et vice versa, comme c’est le cas dans Shine, est un concept puissant et une leçon que j’espère que les gens, peu importe leur rôle en ce moment, tireront de l’émission afin de peut-être découvrir et acquérir ou retrouver leur propre sens de l’autonomie ou leur motivation.

Même si je suis moi-même relativement nouveau dans l’industrie de la télévision, j’essaie, par l’entremise des programmes de mentorat et du groupe de rédacteur·trices que j’ai fondé, d’encadrer les autres pour qu’ils ou elles puissent effectuer leur propre voyage avec détermination et compréhension.

En écrivant pour la télévision, on détient le pouvoir non seulement de divertir, mais aussi de façonner l’esprit, d’influencer la pensée et d’inspirer les gens. C’est une énorme responsabilité qui est arrivée à un moment parfait de ma vie où j’ai enfin compris qui je suis et ce que je veux faire du reste de ma vie, et je me sens tout à fait bien et à l’aise de l’assumer.

« Plus nous serons en mesure de nous familiariser avec cette histoire à longueur d’année plutôt qu’un mois par année, plus notre société s’en portera mieux. »

Au-delà du Mois de l’histoire des Noirs, comment penses-tu que nous pouvons continuer à célébrer l’histoire de la communauté noire?

J’adore le Mois de l’histoire des Noirs, mais je crois fermement que l’histoire de la communauté noire n’est que de l’histoire. Je ne dis pas cela pour prendre cette situation à la légère, mais plutôt pour faire valoir le fait que celle-ci doit être intégrée à tout ce que nous apprenons et vivons, pas seulement en février, et d’une manière qui éclaire notre façon de voir le monde dans lequel nous vivons chaque jour grâce à nos nouvelles, à nos médias et à notre culture.

Plus nous serons en mesure de nous familiariser avec cette histoire à longueur d’année plutôt qu’un mois par année, plus notre société s’en portera mieux.