Tous les articles

La question à plusieurs milliards de dollars

En mai dernier, la CBC a présenté l’histoire de Nancy et Jeff1, un couple avec quatre enfants qui a eu de la difficulté à accéder à l’apprentissage en ligne, à effectuer des appels Zoom avec des proches et à regarder Netflix. Ils vivent dans une petite communauté à l’extérieur de Hamilton, en Ontario. Ils ont demandé à l’entreprise de télécommunications la plus près de chez eux – leur seule option pour obtenir un service Internet à la maison – de prolonger la fibre optique de 100 mètres pour relier son infrastructure actuelle à leur domicile.

La facture des travaux s’élevait à 27 000 $. Malheureusement, l’histoire de Nancy et de Jeff n’a rien d’exceptionnel.

Pourquoi la facture est-elle si salée? Généralement, le câble Internet qui relie la maison doit être enfoui sous la terre, et il s’agit de travaux très coûteux, comme l’installation d’une nouvelle ligne hydroélectrique ou canalisation d’égouts. Ajoutez à cela des collines, un terrain rocailleux et boisé, et cela complique les choses encore plus. Dans les petites communautés rurales, les coûts sont répartis parmi très peu de foyers, ce qui rend difficile pour une entreprise d’assumer les coûts toute seule.

L’histoire de Nancy et de Jeff fait ressortir les défis auxquels notre pays fait face pour connecter tout le monde, étant donné la vaste étendue géographique du Canada. Pour vous donner une idée, cinq Royaume-Uni, cinq Allemagne et cinq France pourraient couvrir le territoire du Canada, et il resterait encore de la place. De plus, selon l’endroit, les températures dépassent le point de congélation seulement entre cinq et huit mois par année, ce qui engendre une brève saison de construction, surtout dans le nord2. Ces éléments causent aux constructeurs de réseaux des défis uniques pour offrir une connectivité dans notre immense territoire.

L’industrie canadienne des télécommunications investit des milliards de dollars chaque année pour offrir des services Internet haute vitesse de classe mondiale aux Canadiens, peu importe où ils vivent. Par exemple, en 2019, cette industrie a investi près de 12 milliards de dollars3, principalement dans les services à large bande.

Cependant, nous ne sommes pas seuls. Les gouvernements de toute allégeance investissent massivement dans l’infrastructure de télécommunications. En effet, les « services à large bande » figurent parmi les priorités de la plupart des partis politiques de notre pays, sinon tous. Le lancement du Fonds pour la large bande universelle4 de 1,75 milliard de dollars du gouvernement fédéral pour accroître la connectivité dans les régions rurales et éloignées en est un récent exemple, et constitue une étape importante dans leur engagement à offrir un financement combiné5 de 6 milliards de dollars pour donner accès à la haute vitesse à tous les Canadiens. Les gouvernements provinciaux ont également annoncé des financements totalisant des millions de dollars, comme l’initiative Passons à une vitesse supérieure : Plan d’action de l’Ontario pour l’accès aux services à large bande et au réseau cellulaire6.  Nous nous réjouissons grandement de ces annonces. 

Pourtant, environ 1,5 million de foyers au Canada n’ont pas encore accès à Internet haute vitesse, soit plus de 10 % de la population canadienne. Dans les régions rurales du Canada, ce chiffre passe à 45 %7. Les circonstances extraordinaires que nous vivons tous actuellement ne font qu’aggraver le problème.

Alors, quand et comment allons-nous connecter tous les Canadiens et Canadiennes à Internet haute vitesse?

Tout d’abord, l’industrie et les gouvernements devront continuer d’investir massivement dans l’infrastructure de notre pays. Bien qu’il soit difficile de déterminer le montant exact requis pour connecter tout le Canada, on estime qu’il faudrait entre 15 et 40 milliards de dollars, en fonction de la technologie déployée, entre autres.

Ensuite, pour étendre les réseaux à l’échelle du pays, l’industrie a besoin d’accéder aux structures physiques, comme les poteaux électriques et le mobilier urbain, pour installer son équipement. Un accès coûteux et retardé à cette infrastructure a des conséquences négatives sur le déploiement des réseaux, en ralentissant l’expansion, particulièrement dans les régions du Canada où l’accès à ces réseaux est limité ou inexistant. Nous recommandons que l’organisme fédéral de réglementation des télécommunications, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, se charge d’établir des tarifs justes et traite rapidement les demandes d’accès.

De plus, nous croyons que plus d’une solution pourrait être requise : une combinaison d’initiatives permettra de connecter tout le Canada. Les lancements en cours et prévus des satellites en orbite terrestre basse et moyenne permettront assurément de combler l’écart dans des domaines où c’est pratiquement impossible d’y arriver avec la technologie actuelle8.

La voie à suivre n’est pas simple. Tous les acteurs, y compris l’industrie, les gouvernements et les nouveaux exploitants technologiques devront travailler ensemble pour veiller à ce que tous les Canadiens contribuent de la même façon à l’économie numérique. Le moment est venu de prendre les mesures importantes et difficiles pour atteindre cet objectif.

Mark Irvine est vice-président, Expansion des services.


[1] https://www.cbc.ca/radio/thecurrent/the-current-for-may-26-2020-1.5584823
[2] https://www.pwc.com/ca/en/communications/publications/761378-the-importance-of-a-healthy-telecommunications-industry-to-canadas-high-tech-success.pdf
[3] Figure 2.8, 2014-2019, 2020 CRTC CMR
[4] https://www.ic.gc.ca/eic/site/139.nsf/eng/h_00006.html
[5] https://www.ic.gc.ca/eic/site/139.nsf/eng/h_00002.html
[6] https://news.ontario.ca/en/release/59057/ontario-investing-nearly-1-billion-to-expand-and-improve-broadband-and-cellular-access
[7] https://www.canada.ca/en/radio-television-telecommunications/news/2020/11/ian-scott-to-the-2020-canadian-internet-service-provider-summit.html
[8] https://www.theglobeandmail.com/business/article-internet-everywhere-but-at-a-cost-the-race-for-the-low-earth/