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Projet de loi C‑10 – Il faut assurer l’équité réglementaire

Le mois dernier, nous avons comparu devant le Comité permanent du patrimoine canadien du Parlement afin de présenter la position de Rogers sur le projet de loi C‑10. Ce projet de loi vise à modifier la Loi sur la radiodiffusion qui énonce la politique canadienne de radiodiffusion. L’un des principaux objectifs de la Loi est d’appuyer la culture et la disponibilité d’un contenu canadien. Toutefois, sa dernière révision substantielle remonte à 1991. À cette époque, nous regardions la télévision sur des chaînes bien précises, à des moments bien précis; pour faire la découverte de nouvelle musique, il fallait écouter la radio ou acheter des CD; les journaux étaient imprimés sur du papier. Beaucoup de choses ont changé depuis. Netflix, Spotify et YouTube ont gagné en popularité, tout en échappant dans les faits à la réglementation.

Le projet de loi C‑10 : Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois a été déposé en novembre 2020 par Steven Guilbeault, ministre du Patrimoine canadien, dans le but d’intégrer les géants de la technologie américaine au sein du système canadien de radiodiffusion.

Les préoccupations liées aux contributions au contenu culturel des géants étrangers de la lecture en continu ne se limitent pas au Canada. L’Europe et différents pays comme l’Australie sont toujours aux prises avec des problèmes semblables. Même si leur popularité ne fait aucun doute, les géants étrangers de la lecture en continu exercent leurs activités au Canada depuis environ 10 ans, et ce, sans surveillance ni réglementation. Cela tranche nettement avec les diffuseurs et distributeurs canadiens qui leur font concurrence tout en étant soumis à une myriade d’obligations réglementaires. Des changements au cadre réglementaire visant à réduire ou à éliminer ce traitement réglementaire asymétrique s’imposent, et depuis longtemps. De plus, il est manifeste que, si nous n’apportons pas de changement important à la réglementation, les entreprises de radiodiffusion canadiennes continueront de subir un désavantage considérable par rapport à leurs concurrents mondiaux beaucoup plus imposants et bénéficiant de bons capitaux. Dans cette perspective, Rogers a demandé au comité d’adopter les recommandations suivantes :

Premièrement, il devrait y avoir équité réglementaire entre les entreprises canadiennes de radiodiffusion comme Rogers et les entreprises étrangères de diffusion en continu comme Amazon Prime, Netflix et Disney+. Les entreprises étrangères de diffusion en continu devraient donc relever de l’organisme de réglementation du secteur, le CRTC et, tout comme les entreprises canadiennes, elles devraient être tenues de soutenir et de promouvoir l’accès au contenu canadien. Cependant, il sera presque impossible d’imposer aux diffuseurs étrangers les mêmes obligations réglementaires que celles imposées aux entreprises canadiennes. Par conséquent, la réglementation doit « uniformiser les règles du jeu » en remaniant le régime de réglementation actuel et en veillant à ce qu’il s’applique également à tous les acteurs du système.

Deuxièmement, il faut éliminer le cloisonnement réglementaire. En vertu de notre régime de réglementation actuel, les entreprises canadiennes comme Rogers qui offrent à la fois un volet de création de contenu et un volet de diffusion sont traitées comme des entreprises distinctes qui doivent répondre à différentes d’obligations réglementaires. Ce traitement réglementaire empêche l’évolution de nos modèles d’affaires et ne nous incite pas à miser sur notre investissement de 683 millions de dollars dans la création de contenu canadien. Les entreprises étrangères de diffusion en continu, même si elles sont des concurrents directs et qu’elles ont des modèles d’affaires semblables (publicité et abonnement), ne subissent pas le même traitement. Par exemple, il est probable que Netflix puisse investir ses contributions à la programmation canadienne dans des émissions diffusées au sein de son réseau. Elle pourra ainsi améliorer son offre de contenu et accroître ses abonnements. En vertu des règles actuelles, une entreprise verticalement intégrée comme Rogers doit verser des fonds à des tiers, ce qui est en grande partie à l’avantage de nos concurrents et nous empêche d’investir dans notre propre contenu. Bien qu’un grand nombre de ces décisions relèvent du CRTC, nous devons veiller à ce que la Loi permette à l’organisme de réglementation de tenir compte de nos contributions réglementaires à l’échelle de l’entreprise, comme elle le fera pour les contributions des diffuseurs étrangers.

Troisièmement, tous les diffuseurs canadiens devraient pouvoir accorder la priorité à la production d’émissions de nouvelles par rapport aux autres formes de programmation. Rogers produit 46 000 heures de nouvelles locales par année, au sein de 28 marchés. Cette programmation signifie 400 emplois à temps plein. OMNI et Citytv exploitent 12 stations de télévision traditionnelle. Cependant, elles sont tenues de consacrer une partie de leurs investissements en programmation canadienne à des émissions non essentielles comme des dramatiques télévisées et des documentaires. Nous devons disposer de la souplesse nécessaire pour investir dans du contenu qui correspond à notre stratégie de programmation et qui met l’accent sur les nouvelles locales, les sports et la programmation en langues tierces. 

Quatrièmement, tous les participants au système canadien de radiodiffusion sont tenus de payer les droits de licence en vertu de la partie 1. Ces droits couvrent les activités du CRTC à titre d’organisme de réglementation. La Loi propose dûment que les diffuseurs étrangers versent de tels droits. Toutefois, les titulaires canadiens de licence de radiodiffusion versent d’autres droits (les « droits en vertu de la partie 2 »). Ces derniers sont acheminés directement au Trésor. Comme la Loi ne propose pas d’imposer ces mêmes droits aux diffuseurs étrangers, nous sommes d’avis qu’il serait injuste de continuer à les imposer aux entreprises canadiennes. 

Cinquièmement, le piratage et le vol en ligne représentent toujours l’une des menaces les plus importantes pour le système canadien de radiodiffusion. De solides mesures de protection doivent être intégrées à la Loi afin de limiter la diffusion en continu illégale. Si le contenu intéressant continue d’être offert gratuitement par les pirates informatiques, cela nuit au marché créatif : les créateurs ne sont pas payés pour leur travail, et les diffuseurs ou services de diffusion n’ont plus d’incitatifs pour produire de contenu. Autrement dit, la loi deviendra caduque puisqu’il ne nous restera plus de système canadien de radiodiffusion ou, s’il en reste, il sera considérablement amoindri.

Le contenu canadien est au cœur du système canadien de radiodiffusion et est essentiel à notre identité sociale et culturelle à titre de Canadiens. Rogers est fière de contribuer depuis plus de 50 ans au système canadien de radiodiffusion. Nous espérons nous appuyer sur cet héritage, mais pour ce faire, nous avons besoin d’un cadre réglementaire qui s’applique équitablement à nos concurrents et qui nous procure la souplesse nécessaire pour investir dans du contenu qui, selon nous, plaira aux Canadiens. Par conséquent, nous offrons notre appui entier au gouvernement dans son objectif de moderniser la Loi sur la radiodiffusion et nous l’exhortons à le faire avec célérité et en tenant compte de la façon dont les entreprises canadiennes peuvent continuer de jouer un rôle important dans le système canadien de radiodiffusion de l’avenir.

Pam Dinsmore est vice‑présidente, Affaires réglementaires, Câble, Rogers; et Susan Wheeler est vice‑présidente, Affaires réglementaires, Distribution interentreprises, Rogers.